Le trésor violé
Par Khadija
J’ai toujours entendu parler du harcèlement et vu des statuts sur les réseaux sociaux mais je n’avais jamais compris de quoi il s’agissait. Bien sûr je ne parle pas du sens du mot mais du traumatisme psychique que provoque ce viol.
Ce traumatisme, je l’ai bien saisi à un jeune âge. J’avais 14 ans, j’étais une jeune fille pleine d’énergie, heureuse d’accueillir son cousin âgé à l’époque de 20 ans, qui venait de la capitale pour passer ses vacances chez sa famille et en profiter. Tout allait bien, ou pour moi c’était bien, puisque c’était l’été, on jouait dehors toute la journée avec les voisines à Pissou, Lastik, Hbel. Durant la nuit, on profitait de notre rassemblement pour jouer à Karta, symbole des vacances chez moi. À la fin de la journée, puisque c’était l’été, nous dormions à la marocaine, garçons et filles entassées comme des sardines. Tous les étés, c’était la même situation avec des cousins et des cousines, mais ce qui était différent c’est que nous avions un cousin « étranger » entre nous. Un moment, je me réveillai pour découvrir qu’une main touchait mon vagin.
Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que j’ai senti à l’époque mais je suis sentie vraiment très mal, déchirée, perdue. J’avais besoin de pleurer alors que je n’avais rien fait, de crier, mais je n’ai pas osé. Je me suis bloquée, je ne savais même pas ce qui se passait pour pouvoir réagir. La seule chose que je savais, c’était que ce harceleur touchait mon trésor. C’est la seule idée à laquelle j’ai pu aboutir après tout ce que ma grand-mère m’avait dit : « Ne fais pas de bicyclette. Asseyez-vous correctement. Rassemblez vos jambes », comme si j’avais un trésor entre mes jambes et qu’il fallait le cacher. Je me rappelais que ma mère m’avais toujours dit qu’il ne fallait pas dormir à côté d’un homme parce que Satan est toujours présent. Après, je me suis rendu compte que Satan était mon cousin.
C’était la première fois ou j’ai été harcelée sans pouvoir réagir. La deuxième, c’était lors de ma première année universitaire à Rabat. Pour arriver à l’université, il fallait prendre le tram, qui, de 7h à 10h du matin, connaît une surcharge incroyable.
Comme tous les matins, je prenais le tramway et y était serrée pendant près d’une heure. À un moment, j’ai senti quelque chose me toucher. J’ai cru que c’était un sac puisque tout le monde était compressé. Après quelques secondes, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. C’était un homme avec une barbe blanche, de l’âge de mon grand-père, qui touchait mes cuisses pour finir par mon vagin, encore une fois « mon trésor ».
Tout mon corps a tremblé cette fois-ci. J’ai crié, je l’ai insulté et je l’ai frappé, je ne me rappelle pas comment mais j’ai perdu toute conscience, j’ai réagi comme une folle et il n’a pas trouvé d’autre solution que de fuir. J’ai pleuré et à chaque fois quand je me rappelle ces harcèlements je pleure tout le temps.
Le harcèlement est une violence très grave. Pourtant la plupart des gens ne sont pas conscients de sa gravité parce que ses conséquences sont psychiques et que tout le monde ne peut pas les détecter. Jusqu’à aujourd’hui, j’essaye de trouver les causes qui poussent ces gens à faire cela. Je ne les trouve pas, sauf à dire que ces gens sont sexuellement frustrés. Pour arrêter cette violence, il faut imposer des peines sévères et surtout bien éduquer nos enfants parce que tout commence à la maison, les éduquer à respecter les autres parce que c’est dans l’intérêt de tout le monde.