Nouha: du décrochage scolaire aux grandes cuisines

Nouha: du décrochage scolaire aux grandes cuisines

Par Ghita Baakrime

Casablanca, le 26 novembre 2022, dans le joyeux brouhaha de la salle d’activité de l’association Bayti, Nouha[1] est venue nous happer, sourire aux lèvres et regard rieur. Elle n’a pourtant plus les joues rebondies de l’enfance et semble avoir bien entamé sa vingtaine. « J’ai 21 ans, nous confie-t-elle. J’ai connu Bayti en 2012. J’avais onze ans, j’étais en 4ème année de l’école primaire et j’avais déjà redoublé deux fois. Les études ne semblaient pas être mon truc, mes parents ne savaient plus quoi faire de moi. Pour eux, c’était le seul moyen que j’avais de m’en sortir, mais l’envie n’y était pas. Je n’étais pas bête, loin de là, mais c’est juste que l’école, les cours, les notes, ça ne me parlait pas. Et ça, personne ne le comprenait, personne ne le concevait. »

 

Nouha nous confie avoir arrêté d’aller à l’école plusieurs semaines. Être l’élève la plus âgée de la classe la complexait énormément. Jusqu’au jour où l’on est venu toquer à la porte. Khadija, assistante sociale de l’association Bayti, dans une démarche de repérage d’enfants en décrochage scolaire avait eu vent de sa situation et est venue parler à ses parents du programme préventif de l’association Bayti au profit des enfants en décrochage scolaire : une prise en charge éducative, un soutien administratif et un ensemble d’activité permettant aux enfants de reprendre le cours de leurs études. Les parents de Nouha y ont vu une dernière chance de « sauver » leur fille.

« Au début, je n’étais pas convaincue, je n’y allais que pour faire plaisir à mes parents. Ce qui m’intéressait, c’était les activités manuelles : cuisine, poterie, couture… J’y trouvais mon bonheur. Au fil des semaines, je me suis passionnée pour la cuisine, les techniques, les recettes, les odeurs… Le déclic s’est opéré dans ma tête : c’est ça je veux faire, devenir chef ! »

Après avoir fait part de son projet aux assistantes sociales, celles-ci l’ont encouragée à continuer dans cette voie, malgré la réticence de ses parents. « Au Maroc les métiers manuels souffrent toujours d’une marginalisation, mais ils sont essentiels et Nouha a clairement sa place dans ce métier », affirme alors Khadija. « Nous avons convaincu Nouha de poursuivre ses études jusqu’au brevet, pour qu’elle puisse intégrer un centre de formation en cuisine et pâtisserie et avoir un diplôme. »

Chose promise, chose due ! Nouha, motivée par la concrétisation de son rêve, obtient son brevet avec le soutien scolaire de Bayti et intègre la filière des Arts culinaires de l’OFPPT. « J’en suis à ma quatrième année maintenant, je viens de commencer mon stage à l’Hôtel Farah de Casablanca, toujours avec le soutien de Bayti. »

Ayant quitté les bancs de l’école depuis un bon moment, Nouha se rend pourtant dans les locaux de Bayti régulièrement. « C’est ma famille, sans eux je n’aurais jamais pu devenir ce que je suis maintenant, alors je veux que d’autres enfants en décrochage puissent profiter de la même chance que moi. » Elle consacre ses samedis à faire du porte à porte dans sa banlieue, à la recherche d’enfants en situation difficile et en besoin d’assistance. « Le fait que des enfants ayant bénéficié de l’association puissent assurer cette transmission est une chance inouïe, cela rassure les parents sur l’efficacité du processus et les enfants s’identifient facilement à leurs aînées », assure Khadija.

[1] Le prénom a été modifié.

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