École : mixité mais pas égalité, par Meriem El Hadraoui
École : mixité mais pas égalité
Schools: Co-ed but not equal
Par/by Meriem El Hadraoui
Des inégalités sexuées
L’égalité filles-garçons est une obligation d’un point de vue légal pour l’Éducation nationale. Cependant, force est de constater qu’au-delà des lois et des conventions internationales, les inégalités et les différences de traitement entre les filles et les garçons restent bien réelles, ancrées voire même, entretenues dans notre quotidien, que ce soit dans la société ou à l’école. En effet, les programmes scolaires, les méthodes pédagogiques, l’orientation, tout comme les interactions entre les élèves mettent en évidence des stéréotypes sexistes très présents dans l’éducation des enfants. Cela prouve que la mixité, bien qu’elle puisse y contribuer, n’est pas toujours source d’égalité.
Programmes et inégalités des genres
Les programmes reflètent le savoir que la société considère comme important et approprié pour être étudié à l’école. Malheureusement, nos contenus scolaires expriment ou reproduisent les idées et les pratiques sur les inégalités des genres. En effet, les récits, les manuels continuent à répandre des stéréotypes et des inégalités de genres. Les femmes apparaissent dans les rôles maternels tandis que les décideurs et les entrepreneurs sont plutôt masculins.
Méthodes d’enseignement-apprentissage et inégalités des genres
Quel que soit le contenu du programme, il sera impossible d’atteindre l’équité si l’on décourage les filles de s’exprimer, si les garçons reçoivent une quantité disproportionnée d’énergie positive des enseignants… Certains sous-estiment les capacités intellectuelles des filles et ne donnent pas de feed back… Toutes ces pratiques mettent les filles en difficultés à étudier.
Si, par exemple, les professeurs pensent que les filles sont capables d’étudier les mathématiques, cela affectera leur manière d’enseigner aux filles ainsi que leurs attentes quant aux capacités des filles dans ce domaine.
Une égalité des sexes à bâtir
Un programme respectueux de l’équité des genres devrait faire une évaluation de l’école en se posant quatre questions fondamentales :
- Quelles perceptions de la masculinité et de la féminité les enfants apportent-ils à l’école et que reproduisent-ils en classe et dans la cour de récréation ?
- Quelles sont les images dominantes de la masculinité et de la féminité que l’école transmet aux enfants ?
- L’égalité des genres fait-elle partie des sujets de préoccupation que l’école veut et attend de ses enseignants ?
- Quels sont les initiatives, les stratégies et les projets que l’école dans son ensemble peut entreprendre pour développer un programme visant l’égalité des genres ?
Aujourd’hui, il s’avère nécessaire de mettre en place un dispositif de lutte pour l’égalité des filles et des garçons, contre les stéréotypes et les discriminations pour pouvoir contribuer au bien-être et l’épanouissement des enfants et créer davantage de possibilités d’avenir pour les enfants, filles comme garçons.
Gender-based Inequalities
Equality between boys and girls is a legal obligation for public schools. Still, it is evident that despite laws and international standards, inequality and discrimination between boys and girls are very much present, deep rooted and kept alive through our everyday practices, whether in society or at school. School curricula, teaching methods, and mentoring––just like interactions between the students––illustrate the sexist stereotypes that persist in our children’s education. This goes to show that co-education, even with its benefits, does not always mean equality.
School Curricula and Gender Inequalities
Curricula reflect the set of knowledge that a society considers important and appropriate for the school setting. Unfortunately, the content of our academic programming expresses and reproduces sexist ideas and practices. Stories and textbooks read in schools therefore continue to spread stereotypes and inequalities. Women are pictured as mothers while the leaders and entrepreneurs are predominantly men.
Teaching Methods and Gender Inequalities
No matter the subject, it will be impossible to attain equity if we discourage girls from expressing themselves; if, for example, boys receive a disproportionate amount of positive attention from teachers. Some people underestimate girls’ intellectual capability and even refuse to give feedback on assignments. These types of practices make it difficult for girls to learn.
If, for example, teachers believe that girls are capable of studying math, that would affect the way they teach and their expectations of girls’ ability in the subject matter.
Gender Equality: We Must Build It
Any program that respects and promotes gender equality should assess schools through four fundamental questions:
- What perceptions of masculinity and femininity do children bring to school and how are they reproduced in the classroom or on the playground?
- What are the predominant images of masculinity and femininity that the school teaches or transmits to children?
- Is gender equality a prioritized subject, something that schools want and expect to see in their teachers?
- What are the initiatives, strategies, and projects that the school can take on as a whole to develop a curriculum that strives for gender equality?
Now, the need for new structures and plans has been proven. We must put into place mechanisms to fight for gender equality, to counter stereotypes and discrimination, to ensure that children flourish and thrive, and to create more opportunities for all children––as much for girls as for boys.
English translation by Anna Mitchell
Les avis des participants
- « Une intervenante de haut niveau, des données issues du terrain et d’une expérience variée. »
- « Une séance très riche avec l’apport de Mme El Hadraoui dans le domaine de l’éducation ».
- « Un débat enrichissant et des échanges vifs avec l’invitée. »
Les points clefs
- Une réflexion nourrie d’un témoignage sur le rôle de l’école dans la reproduction des stéréotypes de genre et la perpétuation des inégalités
- Une lecture critique des programmes et des méthodes d’enseignement
- Des propositions pour la lutte contre les discriminations
Meriem El Hadraoui a enseigné l’économie au lycée Al Khansa avant de devenir inspectrice principale de l’enseignement secondaire en Génie Économie et Gestion, puis déléguée du ministère de l’Éducation nationale à la préfecture de Ben M’sik puis de Casa-Anfa. Elle est depuis 2016 directrice générale du pôle pédagogique des établissements en gestion déléguée à Elbilia. Elle n’a pas cessé de suivre des formations en pédagogie et ingénierie de la formation en France, au Canada et au Japon. Elle a été membre de l’Association Chouala de lutte contre l’analphabétisme et de Transparency.
Meriem El Hadraoui taught economics at Al Khansa High School before becoming the senior inspector of secondary education for engineering, economics, and management. She then became a national delegate of the Minister of Education for the Ben M’sik prefecture and then the Casa-Anfa region. Since 2016, she has been the director of the teaching sector of management establishments in Elbilia. She has never stopped learning, attending teaching and engineering trainings in France, Canada, and Japan. She has been a member of the Chouala Association Fighting Against Illiteracy and For Transparency.
English translation by Anna Mitchell
Pour aller plus loin
Un article sur l’importance de la socialisation genrée dès l’enfance et des rôles différenciés qu’on attribue selon le genre. Sur le même sujet, Elizabeth J. Rave et Gregory Hannah ont réalisé un rapport soumis à la Conférence annuelle de la Psychological Association intitulé : «Effects of Gender on Toddler Behaviour Description». (1984).
Berkallil, N. et al. 1993. Femmes et éducation : Blocages et impacts, Le Fennec, Casablanca.
Ce livre fait partie de la collection « Femmes marocaines, citoyennes de demain » codirigée par Fatima Mernissi et Omar Azziman à travers laquelle la place de la femme marocaine est discutée entre civisme et sociologie.
L’objectif est « de rassembler et d’analyser des données et des observations de façon à représenter aux personnes choquées par la disparité entre les femmes et les hommes au Maroc, comme à celles que satisfait le statu quo, voire aux partisans d’un retour en arrière, une vision dépassionnée de la situation ouvrant la possibilité d’une discussion de bon aloi » écrit F. Mernissi en introduction.
Fatima Mernissi, sociologue et féministe marocaine historique livre ici un article détaillé sur le milieu de l’emploi féminin et comment l’industrialisation contribue à précariser la femme marocaine.
Fatima Mernissi a également publié Femmes partagées: Famille/Travail en 1989 aux éditions Le Fennec qui traite de l’emploi féminin et de l’équilibre fragile entre vie familiale et vie professionnelle.
Ci-joint un article sur la vie et la bibliographie de Fatima Mernissi, à lire ici.
Mernissi. F, 1984. Le Maroc raconté par ses femmes, Casablanca, Edition Smer, 237p.
Le Maroc raconté par ses femmes est un livre dans lequel Fatima Mernissi donne la parole aux femmes venues d’horizons divers : des femmes rurales, ouvrières et employées de maison. Elle leur a cédé un espace pour apporter leurs témoignages sur leurs expériences passées et récentes en engageant leur mémoire historique des faits.
Mernissi. F, 1985. Sexe et Idéologie et Islam, Paris, Edition Tierce, 198p.
Dans ce livre, la sociologue Fatima Mernissi soutient que ce qui est attaqué dans l’ordre social musulman n’est pas la sexualité en elle-même mais la sexualité des femmes, perçue comme négative. Les femmes seraient l’incarnation des dangers de la sexualité et des mesures parallèles sont mises en place pour son contrôle dans l’espace social à travers l’isolement, le voile et l’enfermement.
Naamane-Guessous, S., Au-delà de toute pudeur, Casablanca, Eddif, 1997.
La sociologue Soumaya Naamane-Guessous évoque dans cet essai adapté de sa thèse la sexualité des femmes au Maroc. Sa recherche auprès de 500 femmes marocaines sur leur vision de la sexualité et des pratiques sexuelles comme la polygamie, la virginité, le viol conjugal a rencontré un franc succès au Maroc et en France.