Hicham Farhat : « Sans travail sur les stéréotypes de genre, on n’arrive à rien. »
Par Malak Belakhdar
Au cœur du quartier casablancais de Derb Ghallef, l’association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté se situe dans un petit immeuble qui donne sur une ruelle ornée de linge suspendu et parcourue de vendeurs ambulants. Hicham Farhat y travaille depuis 2016. Il y est chargé du montage de projets et de l’exécution communicationnelle. Charismatique et décontracté, bienveillant et plein d’aisance, cet homme de 47 ans né un an avant la « génération d’Al Massira » est un fervent défenseur de l’égalité entre femmes et hommes.
Il n’en est pas à sa première expérience associative puisqu’il a grandi dans et avec la société civile : l’association Vocation pour l’éducation sociale a été son portail d’accès au monde associatif en 1985 alors qu’il avait 8 ans.
Cette initiation s’est ajoutée au contexte familial et politique dans lequel il a grandi. Son grand frère était en effet chargé des visites dans les prisons pour les détenus politiques de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Cette relation étroite avec les militants a, en outre, contribué à son éveil, à façonner ses convictions, ses valeurs et sa vision du monde.
Après son baccalauréat économique au lycée Mohamed V à Casablanca, il s’est dirigé vers la fac pour faire un diplôme d’études supérieures en économie. C’est à partir de ce moment qu’a commencé son expérience partisane au sein du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS). Il a été l’un des membres fondateurs de l’Association de développement pour l’enfance et la jeunesse (ADEJ) qui émanait du même parti.
En 2003, Hicham Farhat est parti en caravane à Ouarzazate avec la Fédération de la Ligue des droits de femmes (FLDF). C’est avec cette dernière qu’il a pris conscience de l’injustice vécue parles femmes qui s’y occupent seules du travail – récolte du safran ou tissage des tapis – mais laissent la vente de leurs productions aux hommes, en raison du fait que les espaces publics leur sont inaccessibles. « Cet accès à l’espace public est avantage décisif. Nous vivons dans une société opportuniste et schizophrène, où l’homme accepte l’argent du travail de la femme mais refuse qu’elle accède à l’espace public. » En effet, l’espace public représente l’accès aux relations humaines, à la formation, au développement. Une femme qui a accès à l’espace public apprend, évolue et interagit avec le monde extérieur. « Une femme qui n’a pas accès à l’espace public meurt à petit feu », insiste Hicham Farhat. Il déplore cette atmosphère marquée par « une tolérance zéro avec une exploitation suprême ».
Ce père de deux enfants a fait un choix de carrière dans le social avec l’esprit d’un militant. Il apprécie particulièrement ce travail, « différent d’un travail normal », qui a un impact direct sur l’amélioration de la vie de ses concitoyen.ne.s. Il est pour la valorisation du travail ménager, qu’il considère comme le point névralgique de l’égalité, alors que beaucoup le négligent en résumant les femmes à un « entrepôt des valeurs ». Or le fait que le travail ménager soit réservé aux femmes est un outil de contrôle social, corporel et culturel. Hicham Farhat se désole de voir combien cette vision est profondément ancrée et intériorisée aujourd’hui.
« Il faut vivre l’égalité et être éduqué à l’égalité », conclut-il. Pour lui, le problème est d’ordre culturel et il ne suffit pas de militer pour l’égalité. Il estime que le travail sur les stéréotypes est crucial pour la mise en œuvre de l’égalité : « Sans ce travail sur les stéréotypes de genre, on n’arrive à rien. » Dans ce sens, il encourage ses proches à faire de l’égalité leur mode de vie plutôt que d’attendre qu’il y ait une volonté de l’État, « car c’est à nous de la mettre en œuvre nous-mêmes ».
