Laïcité et quartiers populaires : la campagne électorale de 1997, par Abdellah Zaâzaâ

Laïcité et quartiers populaires : la campagne électorale de 1997

Secularism and the Working Class: The Campaign for the 1997 Election

Par/by Abdellah Zaâzaâ

Abdellah Zaâzaâ livre un témoignage sur la campagne électorale communale qu’il a menée en 1997, dans sa circonscription de Casablanca, et la bataille qu’il a menée pour intégrer la laïcité à son programme. Il raconte l’hostilité initiale du Groupe de la rue 9, dont il faisait partie – « Passe pour Ilal Amam, la prison, l’égalité homme/femme, les droits culturels amazighs. Mais si tu veux gagner, tu enlèves la laïcité » –, les tournées dans les rues du quartier avec sa femme, l’accueil bienveillant des habitants, les porte-à-porte des islamistes qui, en réaction, tentent de le décrédibiliser auprès des futurs électeurs…

Peu à peu, son nom se fait connaître dans le quartier, il devient une figure aimée, populaire et soutenue par les habitants, qui le défendent face aux propos tenus par les islamistes. La campagne électorale se change en « révolution culturelle » selon les termes du Groupe de la rue 9, qui appuie de nouveau son action. Il doit parfois se confronter à des groupes de jeunes qui viennent l’aborder et l’interroger dans la rue sur sa conception de la laïcité : il défend alors la vision d’un islam tolérant et d’une laïcité assurant le respect de toutes les convictions, garantissant l’égalité entre les hommes et les femmes et permettant que la religion n’interfère pas avec la gestion des affaires publiques. Des discussions qui, malgré l’agressivité de certains, s’achèvent souvent de manière positive.

Le 13 juin 1997, Abdellah Zaâzaâ arrive en tête des élections communales dans sa circonscription, avec deux fois plus de voix que le candidat des autorités publiques.

En conclusion de cette expérience, il insiste sur l’importance de ne pas stigmatiser les quartiers populaires : contrairement aux préjugés que l’on peut avoir, leurs habitants peuvent eux aussi se montrer réceptifs à l’idée de laïcité – ou du moins ne pas la considérer comme un critère de rejet dans le cadre d’une élection –, à condition qu’on prenne le temps de la leur expliquer et que l’on accepte d’en discuter avec eux. Il met également en garde contre la tendance à confondre les islamistes au sens politique du terme avec les jeunes pratiquants, qui attendent que l’élite réponde à leurs angoisses et peuvent faire preuve dans cette situation d’une certaine agressivité.

 

Abdellah Zaâzaâ told his story of his campaign for the popular election in 1997, in his district of Casablanca, and his struggle to incorporate laïcité, or secularism, into his agenda. He recounts the initial hostility of the The 9th Street Group, which he was a member of at the time. “Fine for Ilal Amam, prison, gender equality, the cultural rights of the Amazigh. But if you want to win, you take out secularism,” was their message. He spoke of walking the neighborhood’s streets with his wife, the friendly welcome of residents, and the Islamists’ door-to-door outreach to try to discredit Zaâzaâ through in the eyes of future voters…

Little by little, his name became well-known in the neighborhood. He became a beloved figure of the working class, supported by the residents, who defended him against Islamists. The election evolved into a “cultural revolution” according to the The 9th Street Group, who supported his actions. Zaâzaâ at times confronted groups of young people who would approach him in the street and interrogate him on his idea of laïcité; in these scenarios, he defended the vision of Islam as tolerant and of laïcité as ensuring respect for all creeds, guaranteeing gender equality, and preventing religion from interfering with the management of public affairs. Discussions which, despite the aggression of some of the young people, often ended on a positive note.

On June 13, 1997, Abdellah Zaâzaâ came out on top of his district’s election, earning twice as many votes as the candidate supported by the state. 

In conclusion, Zaâzaâ insists on the importance of not stigmatizing working-class and low-income neighborhoods. Contrary to some people’s prejudices, many residents of these neighborhoods are open to the idea of laïcité––or they at least don’t think of a candidate supporting it as a reason to reject them––so long as we take the time to explain and discuss it. He also warns against the tendency to confuse Islamists in the political sense of the term with young practitioners, who expect the elite to respond to their anxieties and can get aggressive.

English translation by Anna Mitchell

Les avis des participants

« J’ai beaucoup apprécié le témoignage de M. Zaâzaâ. »

« Le récit de M. Zaâzaâ m’a appris de nouvelles informations sur l’histoire du Maroc et sur des expériences émanant de la société civile. »

« C’est une bonne chose de faire venir des militants de haute qualité qui motivent à aller plus loin dans n’importe quel projet qui vise à changer la société. »

Les points clefs

  • Pas d’antagonisme entre laïcité et quartiers populaires.
  • Importance de rencontrer les gens, de leur reconnaître leur dignité, de répondre à leurs questions.
  • Faire attention à l’utilisation du terme « islamistes » : ne pas confondre les islamistes politiques et les pratiquants qui formulent leurs inquiétudes de manière parfois agressive.

Téléchargez le témoignage de Abdellah Zaâzaâ sur la laïcité et les quartiers populaires ici.

Abdellah Zaâzaâ

Abdellah Zaâzaâ est né en 1945 à Casablanca. Militant à Ilal Amam, il a été arrêté en 1975 et a passé 14 ans en prison. Cofondateur en 1998 de l’association du quartier El Miter-Bouchentouf, il a été à l’origine du réseau d’associations de quartier le RESAQ à Casablanca.

Pour aller plus loin

Le combat d’un homme de gauche, Abdellah Zaâzaâ, éditions Kalimate, 144 p.

Le témoignage de Abdellah Zaâzaâ sur son engagement à Ilal Amam, sur ses années de prison et sur ses convictions humanistes et laïques.

Berrada, A., 2018. Plaidoirie pour un Maroc laïque. Tarik Editions, Casablanca.

Un ouvrage qui plaide pour l’instauration d’un Maroc laïque, séparant la sphère politique de la sphère religieuse et garantissant pour tous ses citoyens la liberté de conscience, condition nécessaire à la mise en place d’une démocratie.

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