Les inégalités sociales à l’école, par El Mostafa El Mejnaoui
Les inégalités sociales à l’école / Inequality in Education
Par / by El Mostafa El Mejnaoui
El Mostafa El Mejnaoui aborde la question de la ségrégation sociale à l’école, car en matière de mixité sociale, le Maroc fait figure du plus mauvais élève.
Sur les 50 pays couverts par l’enquête internationale Pirls 2016, il enregistre la plus grosse part (84 %) d’enfants fréquentant une école où les couches défavorisées sont dominantes, soit trois fois plus que la moyenne internationale (29 %). Le pays compte aussi le taux le plus faible d’enfants dans des écoles en équilibre social (8 %, alors que la moyenne internationale est de 33 %) ou dans des établissements où les classes aisées sont majoritaires : 8 % seulement.
Une école pour les riches et la classe moyenne, et une deuxième pour les pauvres. La première, payante, forme en majorité les futurs cadres et élites, tandis que la deuxième, publique, en faillite et peu attractive, perd près de 70% de ses élèves avant le bac.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles environ 27,5 % des jeunes de 15 à 24 ans sont lâchés dans la nature selon le rapport du Haut commissariat au plan (HCP, 2016). On ne les retrouve ni à l’école, ni dans une formation, ni en entreprise. Ces «nini» représentent une population de près de 1,7 million de personnes, mal cernée et peu connue.
En dix ans, la part du secteur privé dans le primaire et secondaire a pratiquement doublé. Elle est passée de 7,4 % des effectifs en 2007-2008 à 13,7 % en 2017-2018. À Casablanca, un enfant sur trois du primaire est inscrit dans une école privée.
Nous nous retrouvons donc avec deux catégories sociales évoluant dans des univers cloisonnés. « Les jeunes Marocains vivent désormais dans des mondes éducatifs parallèles, délimités par la capacité financière de leur famille », fustige la Banque mondiale dans son Mémorandum économique 2017 sur le Maroc.
L’organisation y dénonce une « véritable fracture scolaire », l’école, au lieu d’être un ascenseur social, tend à « reproduire les inégalités, en fonction de l’origine socioéconomique des parents ». Pour l’institution, le système éducatif marocain fait partie des plus inégalitaires au monde. « Or, tous les pays ayant réussi à relever le niveau de leur capital humain, tels que la Corée du Sud, Singapour ou la Finlande, se sont appuyés sur un primaire de qualité pour tous, presque à 100% public », souligne le rapport.
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El Mostafa El Mejnaoui takes on the question of class segregation in schools because Morocco ranks among the worst countries in the world for inequalities in schools…
Out of the 50 countries included in the Pirls international study in 2016, Morocco had the highest population (84 %) of children who go to a school where disadvantaged and low-income students made up a majority, which is three times higher than the international average (29 %). The country also had the lowest rate of children in schools with a balanced representation of different social classes (8 %, compared to the international average of 33 %) or in establishments where the upper-class students were in the majority (again only 8 %).
One education system for the middle-class and the rich––and a separate one for the poor. The former, private, mostly grooms the country’s future elite, whereas the latter, public, bankrupt and unattractive, loses almost 70 % of its students before the baccalaureate exams at the end of high school.
That’s one of the reasons why around 27.5 % of young people ages 15 to 24 are abandoned or unaccounted for, according to a report by the High Commission for Planning (HCP, 2016). They are nowhere to be found: not at school, in an apprenticeship, or in jobs. These “neither-nor” students represent a population of nearly 1.7 million people, poorly understood and little talked about.
In about ten years, the amount of children in private primary and secondary schools has practically doubled. It went from 7.4 % of the total in 2007-2008 to 13.7 % in 2017-2018. In Casablanca, one in three primary school children is enrolled in a private school.
So we find ourselves with two social groups evolving in completely separate, cloistered-off spheres. According to the World Bank’s 2017 Economic Memorandum on Morocco, “Young Moroccans now experience parallel educational worlds defined by their family’s ability to pay.”
The organization denounced a “real academic fracture”; they found that schools, instead of being a social ladders, tends to “perpetuate inequalities, according to the socio-economic origin of a child’s parents.” According to them, the Moroccan educational system is one of the least equal in the world. “However, all the countries that have succeeded in raising the level of their human capital––such as South Korea, Singapore or Finland––have invested in a quality primary education for all, almost 100% public,” the report highlights.
English translation by Anna Mitchell
Les avis des participants
« Un thème crucial qui a fait émerger une discussion bénéfique. »
« Un sujet très intéressant. »
« Une belle ambiance avec des échanges bénéfiques. »
Les points clefs
- Un système parmi les plus inégalitaires au monde
- 84 % d’élèves fréquentent des écoles où les couches défavorisées sont dominantes
- 1,7 million de NEET (No education, no employment, nor training)
El Mostafa El Mejnaoui
Professeur de philosophie, El Mostafa El Mejnaoui enseigne à l’École des Beaux-Arts de Casablanca.
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A professor of philosophy, El Mostafa El Mejnaoui teaches at the School of Fine Arts in Casablanca.
Pour aller plus loin
TelQuel idées, n°2, février 2015
Dans le prolongement du Métier d’intellectuel, dialogues avec quinze penseurs du Maroc, de Fadma Aït Mous et Driss Ksikes (En toutes lettres, 2014, Prix Grand Atlas 2015), le magazine TelQuel a réalisé un supplément « TelQuel Idées » dédié à l’école. À télécharger ici.
École, élite et pouvoir au Maroc et en Tunisie au XXème siècle, Pierre Vermeren, Paris, Éditions Alizés, 2002, 584 p.
Spécialiste de la formation de élites au Maroc et en Tunisie, l’historien français Pierre Vermeren en décrypte les enjeux linguistiques.
Essai sur la qualité et l’auto-évaluation dans l’enseignement supérieur – Loubna Lahlou, Rabat, Éditions Bouregreg, 2013, 463 p. (eBook)
Depuis l’introduction des pratiques d’auto-évaluations, qu’est-ce qui a changé dans l’enseignement supérieur marocain? Loubna Lahlou est enseignante-chercheuse à l’Université Moulay Ismaïl de Meknès.
École, famille et ruralité : les enjeux de la scolarisation et de la déscolarisation – Youssef Nait Belaid, Marrakech, Éditions Afaq, 2014, 208 p.
Docteur en sciences de l’éducation, Youssef Nait Belaid cherche à comprendre les ressorts de la scolarisation et de la déscolarisation en milieu rural, et étudie la relation entre l’école et la famille.