Un atelier de sensibilisation à l’ATEC

Un atelier de sensibilisation à l’ATEC

par Oumaima Jmad

Nous sommes comme dans un harem où plusieurs femmes sont réunies. Ou plutôt, loin de tout fantasme occidental du harem, dans un salon de Mme de Sévigné à la marocaine. Le 18 décembre 2019, nous sommes au complexe Touria Sekkat, au cœur de Casablanca, où une cinquantaine de femmes assistent à un atelier de sensibilisation organisé par l’ATEC, l’Association Tahaddi pour l’Égalité et la Citoyenneté.

À quelques mètres des embouteillages de l’avenue Stendal, l’ambiance est conviviale et dynamique. Des femmes préparent du thé tout en participant à une discussion sur les violences fondées sur le genre, notamment les violences numériques. Ces femmes sont voisines à Hay Bathae, elles se connaissent, se retrouvent dans le quartier et il leur arrive également de parler sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qu’elles partagent sur les réseaux sociaux ? Est-ce qu’elles savent se servir des plateformes numériques ? Est-ce qu’elles connaissent leurs droits et leurs obligations ? C’est à partir de ces questions que Bouchra Abdou, militante pour les droits des femmes et présidente de l’association Tahaddi, entraîne le groupe dans un échange sur la lutte contre les violences en général et les violences numériques en particulier.

Avec une approche participative, Bouchra Abdou incite les femmes à participer et témoigner. Les participantes ne sont nullement les destinataires d’un quelconque projet d’aide au développement où les femmes sont des récipiendaires passives. Ce sont elles qui dirigent, questionnent, se remettent en question et remettent en question leurs comportements. En quoi partager les photos des autres est une action bénéfique à titre collectif et individuel ? En quoi participer à ces buzz qui se font de plus en plus nombreux est éthique ? etc.

Souad Ettaoussi, également militante pour les droits des femmes et membre de l’association ATEC, intervient en reprenant les mêmes mots, exemples et pensées formulées par les participantes pour leur faire prendre conscience de l’importance de changer leurs comportements numériques nuisibles, car « tout changement provient de soi d’abord ». Elle attire l’attention des femmes vers le processus de socialisation genré qui existe et auquel contribue chaque individu. Étant donné que la majorité des femmes présentes sont des mères, elle les questionne sur leurs représentations, leurs attitudes et leurs comportements vis-à-vis de leurs filles et vis-à-vis de leurs fils. Cet échange aboutit à souligner la gravité des stéréotypes de genre, à montrer comment ils sont produits et surtout reproduits par les participantes à l’atelier.

En évoquant les stéréotypes de genre et leurs conséquences, Soumia qui est une jeune du quartier s’indigne : « On me harcèle dans la rue et ce n’est pas ma faute, mais pour ma famille et pour la société, c’est moi la responsable, parce que je suis une jeune fille, je dois me couvrir et je ne dois pas rentrer tard le soir. » Tout comme Soumia, d’autres femmes se mettent également à vider leurs sacs. Des sacs remplis de haine, de honte et de violences.

Bouchra Abdou et Souad Ettaoussi écoutent ces femmes, et surtout les orientent et leur présentent les lois actuelles qui les protègent, telle que la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences envers les femmes et qui est entrée en vigueur en septembre 2018. Elles présentent également les centres d’écoute qui accueillent les femmes victimes de violences et le travail que font les associations féministes pour mettre un terme aux violences faites aux femmes et aux filles. Enfin elles saisissent l’occasion pour inciter les femmes à briser le silence sur les violences, notamment numériques.

À quelques pas de l’avenue qui porte le nom de celui qui a écrit un essai sur l’Amour, c’est donc un atelier de partage d’énergie positive, d’espoir et d’amour qui a eu lieu. ATEC continuera à élargir les espaces de partage et à amener la discussion et la rencontre dans toutes les zones, surtout les plus isolées car, comme l’a dit si bien Bouchra Abdou : « Pour mettre fin aux violences, on partagera l’amour et non la violence. »

An Educational Workshop with ATEC

English translation by Anna Mitchell

It is almost as if we are in a harem with all these women, gathered. Or rather, far from the western fantasies of the harem, in a Moroccan version of one of Madame de Sévigné’s salons. It is December 18, 2019. We are at the Touria Sekkat complex, in the heart of Casablanca, where about fifty women are participating in an educational workshop hosted by the Tahadi Association for Equality and Citizenship, also known as ATEC.

A few meters away from the Stendhal Avenue traffic, the ambiance is lively, dynamic. A few women prepare mint tea while discussing gender-based violence, in particular abuse that happens online. These women are neighbors from Hay Bathae; they know each other, run into each other in the neighborhood, and talk on social media. But what do they share on social media? Do they know how to use and navigate these digital platforms? Do they understand their rights and obligations online? These questions serve as a jumping-off point for Bouchra Abdou, women’s rights activist and president of the Tahadi organization. She uses them to lead the group in a conversation on gender-based violence––in general and specifically digital violence––and how to fight against it.

Taking a participatory approach, Bouchra Abdou gets the women to engage and share their personal experiences. The participants are by no means the passive recipients of some aid project in which women are subjects rather than agents. They are the ones who lead, debate, questioning themselves and their own behaviors. To what extent is sharing photos of other people an act of collective or individual good? To what extent is participating in this online buzz ethical? Etc.

Souad Ettaoussi, also a women’s rights activist and member of the ATEC organization, intervenes by rephrasing the participants’ words, examples, and observations to help them be more conscientious of their online behaviors and changing the aspects of it that are harmful, for “all change starts from within.” She points their attention to the presence of gender socialization to which each individual contributes. Aware that the majority of women present are mothers, Ettaoussi questions them on their representation, attitudes, and behavior towards their daughters and towards their sons. This exchange succeeds in highlighting the depth of gender stereotypes, showing how they are even produced and perpetuated by the workshop’s participants.

On the topic of gender stereotypes and their consequences, Soumia, a young woman from the neighborhood, says: “I am harassed in the street and it’s not my fault, but for my family and society, I’m the one who’s responsible, because I am a young girl, I have to cover myself, and I must not come home late at night.” Like Soumia, other women begin to speak up, to vent. To release their burdens of hate, shame, and violence.

Bouchra Abdou and Souad Ettaoussi listen to these women. They share with them current laws that protect them, like Law 103-13 on violence against women which took effect in September 2018. They also share the names of hotlines and support services for women victims of violence and feminist organizations that are working to end violence against women and girls. In the end, they seize the opportunity to encourage these women to break the silence on abuse, especially online.

Just a few steps away from the avenue bearing the name of a man who famously writes on love, the workshop that took place was one of positivity, hope––and love. ATEC will continue to expand its sharing spaces and bring the discussion and network-building to all districts and regions, especially the most isolated ones. Bouchra Abdou says it best: “To put an end to abuse, we will share love and not violence.”

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